Bernd & Hilla Becher
Couple de photographes allemands, Bern (1931-2007) et Hilla (1934) vont rapidement s’intéresser à l’architecture industrielle et mettre en place une méthode d’approche cohérente.
La photographie s’imposera à Bernd Becher par nécessité plus que par choix artistique : la fascination et le respect qu’il porte aux hauts fourneaux de la Ruhr vont lui dicter une méthode d’enregistrement, méthode à laquelle il consacrera le reste de sa vie dès les années 60’. Il est rapidement assisté de Hilla Wobeser, qui devient sa femme et collaboratrice. Ensemble, il parcourrons le monde de manière systématique avec une curiosité sans cesse renouvelée pour les structures industrielles.
La fascination de Bernd Becher pour l’architecture industrielle est d’abord affective. Elle provient d’une filiation d’ouvriers, qui ont vécu parmi, par et pour le travail en usine. Mais il aura l’intuition qu’il doit approcher ces objets énormes et complexes avec distance. Malgré sa proximité avec les formes de l’industrie, il en connait au début de sa carrière très peu la fonction. Son travail sera donc naturellement une quête, le dépassement de la fascination et de la soumission héritée de ses pères vers la compréhension de la relation entre formes et fonctions, et la recherche d’images capables de l’y aider.
Une autre filiation surgit alors : celle de la nouvelle objectivité (Neuen Sachlichkeit), qui fit les beau jour de la photographie allemande des années 30. La nouvelle objectivité fait partie des mouvements de rejet du pictorialisme, qui mèneront à une affirmation de la photographie comme art pour ses vertus descriptives autant que formelles. Albert Renger-Patzsch, fer de lance de la nouvelle objectivité, donnera avec son livre "le monde est beau" une vision typiquement moderne de la beauté : images d’objets produits en masse (fer à repasser, pièces mécaniques) y côtoient images de la nature.
Les Becher, eux aussi, se distinguent de leur prédécesseurs : l’après guerre en Allemagne est douloureux, et la fuite d’une réalité très dure (tout un pays à reconstruire sur les ruines, dans la honte du nazisme) passe en photographie par la Subjektive Fotografie menée par Otto Steiner. Expériences graphiques, solarisation, effets divers, auxquels les Becher vont opposer une photographie objective, c’est à dire donnant la place la plus grande à son objet. En art, le minimalisme est en train de faire son chemin.
Les moyens utilisés par les Becher pour atteindre le plus possible cette objectivité sont multiples :
– la distance : loin des gros plans abstractisants, les Becher privilégient des vues d’ensemble.
– la mi-hauteur : la caméra est placée de manière à éviter la contre plongée aussi bien que la plongée. L’objet photographié est dans un rapport d’égal à égal, ni dominant ni dominé.
– le temps gris : l’absence de lumière trop franche permet un meilleur modelé des volumes, et une lecture optimale de l’image en termes de profondeur et de détails.
– le grand format : le 6X9 cm et le 4X5 inches permettent un niveau de détail élevé
– la taxinomie ou typologie : associées entre elle, les photographies permettent des comparaisons, perdent le statut d’icône.
De manière générale, le systématisme de la démarche des Becher, leur volonté d’exhaustivité, va les mener à constituer une collection impressionnante à l’intérêt aussi bien historique qu’esthétique. Ils recevront, pour finir de brouiller les pistes, un prix de sculpture à la biennale de Venise en 1990.
Bernd Becher devient professeur à la Kunstakademie de Dusseldorf en 1976, et la première génération d’étudiants qu’il formera avec sa femme (partie prenante de l’enseignement de son mari, mais invisibilisée du coup) sera prestigieuse : Gurski, Ruff, Struth, Höffer.