Cindy Shermann
Photographe américaine née en 1954, vivant et travaillant à New York.
Dès ses premières photographies, met en scène son corps comme l’incarnation de l’imagerie (cinématographique) de la femme. Elle élargira ensuite son champ de recherche à l’ensemble de la représentation : imagerie pornographique, peinture.
"Dans certains [de mes portraits], je vois un moi qui aurait pu exister si j’avais décidé d’être autre chose qu’une artiste : agent immobilier par exemple, si j’avais fait les foutues études que voulait ma mère"
Untitled fims stills
Après ses études à New-York (en 1976), elle ouvrira un lieu d’exposition avec Robert Longo et Charles Clough, Hallwalls, dans laquelle elle fera sa première exposition personnelle, autour de ses Untitled fims stills, série sur laquelle elle travaille depuis 1977. Cette série est une fulgurance : tout le travail futur de Sherman y est déjà concentré. La série complète, d’environ 80 images, se présente comme des "film stills", ces images extraites de films, que l’on trouve dans les magasines et dans les devantures de cinéma pour illustrer le film à l’affiche.
De format moyen (20X30 cm environ), en noir et blanc, avec du gros grain, Sherman respecte l’esthétique de son modèle, mais injecte dans ces images d’autres constantes. Le sujet est à chaque fois une femme, seule à l’image, dans des situations très variées : bourgeoise new-yorkaise coincée et droite dans son fauteuil en cuir, infirmière subtilisant un dossier sur son lieu de travail, femme hurlante internée en robe de chambre. Cindy Sherman incarne toutes ces femmes, à l’aide de décors réels et d’accessoires féminins (vêtements, perruques, lunettes, colliers, etc.). Un catalogue impressionnant de postures de femmes, dans laquelle un malaise permanent est injecté.
Cindy Sherman n’a jamais appuyé les discours féministes à propos de ce travail, et le pose plus volontiers comme conceptuel. Mais ces portrait de femmes angoissées, malmenées, seules, menacées, attestent aussi d’un plaisir jouissif du déguisement. D’une très grande maitrise malgré son jeune age (24 ans), ce travail va catapulter Cindy Sherman dans une carrière internationale.
Survivre à un premier succès
Un succès trop direct est un piège dans une carrière artistique. Si le travail de Sherman va évoluer entre les années 80 et aujourd’hui, elle ne pourra plus créer une surprise de la puissance des "films stills".
La couleur fera son apparition dès la série suivante, "Rear Screen Projections" (1980). Le travail suivant d’importance sera "History Portraits/Old Masters" (1988) dans laquelle Sherman va citer toute une série de peintures de maitre, flamands notamment.
Elle va étendre sa panoplie d’acessoires : faux-nez, faux-seins, costumes. Le simulacre discret et les codes respectés des premières photographies fait place ici à un simulacre grimaçant qui affiche haut et fort son artificialité.
La pornographie et l’horreur viendront compléter son arsenal avec des séries comme "Sex Pictures" (1992) et "Horror and Surrealist Pictures" (1996). L’image se charge de prothèses, d’accessoires de farces et attrapes et les couleurs se font criardes. Le malaise est cette fois affirmé dans la matière même de l’image : matière luisante, saleté, yeux vitreux, corps obscènes et démembrés. Le corps de Sherman disparaît sous les matières et les artifices.
Signe des temps
Citation, simulacre, artificialité, morbidité, grotesque, on retrouve là des caractéristiques d’une bonne partie de la photographie des années 90’, dont le travail de Sherman est un des porte-flambeaux.