Garry Winogrand
Photographe américain né en 1928 New York City et mort en 1984 au Mexique. Il appartient à la famille des "street photographers", déambulant en rue, l’appareil toujours chargé et en main. Il donne au genre quelques images fameuses, d’une netteté implacable, aux contrastes forts, exercices sans cesse renouvelés de faire image avec l’accident constant de la foule et de la rencontre.
Winogrand étudie la peinture à la fin des années 40’, puis commence le journalisme à la "New School for Social Research" avec Alexey Brodovitch.
Il découvre le travail de Walker Evans en 1952, celui de Robert Frank quelques années plus tard. Il est désormais convaincu de vouloir être photographe et que ce médium peut "décrire l’intelligence".
C’est en 1959, après des années de galère, que son travail est montré pour la première fois. Dès le début des années 60’ sa carrière artistique prend son envol. En 1963 il expose au Moma (Museum of Modern Art de New York), 1966 à la George Eastman House aux côtés de Lee Friedlander, de Duane Michals et de Bruce Davidson dans une exposition nommée "Toward a Social Landscape". En 1967 une exposition importante "New Documents" consacre son travail en même temps que celui de Diane Arbus et lee Friedlander.
L’influence de Walker Evans est grande sur son travail. On y retrouve cette même ambigà¼ité : le désir de produire des documents, c’est-à -dire produire de l’information sur un objet, et d’autre part de considérer la photographie comme un objet en soi, détaché de son référent, possédant ses qualités propres, indépendantes du réel.
“je fais des photographies pour savoir de quoi auront l’air les choses une fois photographiées." - Winogrand
Walker Evans, grand photographe du paysage urbain américain, a produit plusieurs séries d’images avec la ville et ses habitants pour sujet, au 24X36 et au 6X6, suivant plusieurs méthodes pré-conceptuelles : déclenchement sans viser, déclenchement à intervalles réguliers, photographies volées dans le métro. Considéré comme un précurseur par toute une génération de photographes attachés à la valeur de document de la photographie, il reconnaitra en retour leur filiation.
La loi américaine est une bonne alliée des photographes de rue, les photographies réalisées à l’exterieur, "in plain view", sont légales. S’appuyant sur cette autorisation, Winogrand va développer une photographie plutôt intrusive, décomplexée. Il travaille au grand angle, ce qui lui permet une grande profondeur de champ qui le dispense de tout réglage de mise au point (grâce à un réglage sur l’hyperfocale). Ce temps gagné à la prise de vue lui permet de déclencher vite, de surprendre des situations où l’ironie, l’humour, la surprise, l’agressivité et même une certaine poésie sont saisis dans l’instant. Le travail en extérieur permet en outre de disposer d’un grande luminosité et donc de temps de pose très courts, ce qui achève de donner un aspect tranchant à ses images. La légende dit qu’il sortait avec 10 rouleaux de pellicule et ne rentrait chez lui que lorsqu’ils étaient tous remplis d’images latentes.
Photographe pulsionnel, Winogrand déclenche donc vite, avec un geste dégagé qui surprend les personnes qu’il photographie. Elles ne sont jamais vraiment sûres qu’il y a eu photographie, ce qui permet de désamorcer de nombreux conflits liés à son approche aggressive. Il peut ainsi travailler dans la foule, la ville, de très près, parfois à moins d’un mètre de ses sujets.
Les tirages sont nets et contrastés, donnant aux images un aspect graphique et une grande présence à l’image. Winogrand considère les tirages comme disjoints de l’acte photographique lui-même, pendant lequel il fait confiance flux de la ville pour produire des circonstances qu’il ne peut contrôler. Ce qui se passe lors du choix sur planche contact et du tirage sur papier est une autre histoire, avec d’autre enjeux.
La rue est un endroit qui lui permet d’aborder un large panel de situations : les catégories sociales et les origines culturelles s’y mixent, les hommes politiques y défilent, les stars y prennent des bains de foule, hommes et femmes y font leur parade amoureuse. Il a l’intuition de l’influence des médias dans les comportements sociaux, et traque chez ses contemporains la relation étrange entre intimité et acceptation du jeu social. Sa série d’images (et son premier livre) "Animals", en 1969, traite de multiples manières de ce thème.
La beauté des femmes est un des moteurs de ce jouisseur, marié 3 fois (et joueur de football américain), il leur consacrera un livre en 1975 : "Women are Beautiful".
Il recevra trois bourses du Guggenheim, ce qui lui donnera un certain confort pour produire. Reconnu dans son travail, il ne cessera jamais de photographier vite et beaucoup, mais perdra dans les dernières années de sa vie le goût à voir les planches contacts, raison pour laquelle il laissera derrière lui, terrassé par un cancer de la prostate, plus de 300.000 négatifs inexploités et pas moins de 2500 pellicules non-développées.