La mission photographique de la DATAR
La DATAR est le raccourci donné à la Mission photographique de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale. En fait DATAR est l’acronyme de la délégation, un service de l’état français. La mission photographique est un projet lancé en 1984, qui reste important dans l’histoire de la photographie car il a relancé un angouement pour les commandes d’état ayant trait au paysage, en France et dans d’autres pays dont la Belgique.
En 1981, la gauche revient au pouvoir en France. Avec elle, une politique de décentralisation et un regain d’intéret pour le paysage. Une série de hasard, de rencontres et de soutiens politiques vous mener Jacques Attali (Conseiller de Mitterand) et François Hers (photographe) à mettre en place la mission.
Hers a de hautes ambitions pour ce projet, il n’est pas simplement pour lui l’occasion de faire un état des lieux du paysage français (au sens de "qu’est-ce qu’on voit du territoire français au quotidien") mais un moyen de produire un paysage français, si pas LE paysage français après des décennies d’oubli de celui-ci.
Dans ce but, il rassemble des photographes à lancer sur des projets spécifiques : soit thématiques (bord de mer, campagnes agricoles, réseau routier) soit géographiques. Ces photographes sont triés sur le volet : il ne seront ni être de purs reporters (au sens de "mercenaires de l’image"), ni des artistes reconnus par le ministère de la Culture. Symptomatique de cet entre-deux, Raymond Depardon vient de quitter Magnum pour chercher une voie plus artistique. Il est aussi fils d’agriculteur, ce qui lui donne un regard personnel sur l’évolution du paysage rural.
Car il s’agit bien de produire du paysage à auteur d’homme, de transformer la perception (l’acte quotidien de voir) en paysage, c’est à dire en représentation par des artistes de ce qu’est le rapport nature/culture. La vue aérienne est bannie par Hers, comme vulgaire et sans intérêt artistique.
« Nous cherchons des photographes qui au travers de la Mission ne font que continuer une Å“uvre personnelle  » - François Hers
Les photographes lâchés dans la nature s’y perdront parfois, car répondre d’images devant l’Histoire est un cadre peu sécurisant. D’autant que François Hers a choisi des artistes au parcours ouvert, pas des artistes reconnus dans un style marqué, ni des spécialises du paysage. La demande de produire de l’art, par un état qui possède des collections historiques comme la France, a quelque chose d’écrasant. La Délégation de l’Aménagement veut aussi innover dans la conservation des images, qui seront stockée sur vidéodisque. Il est fait régulièrement référence à la Mission Héliographique de 1851, précédent historique conservé dans les archives nationales. Nous sommes ici dans une production destinée à postérité, ce qui fait monter d’autant plus la pression.
La première mission se clôturera en 1988-89 avec 13 premiers photographes. Accompagnée de publications et d’expositions tout au long du processus, avec un soin apporté à la qualité des tirages, la mission est un succès public et critique.
Rendre visible la politique de décentralisation de la gauche au pouvoir, et l’attention portée à la province par l’élite, n’est pas pour rien dans l’invention de la mission photographique, décrite comme l’invention de "la photographie paysagère d’État". Mais entre une volonté politique et une volonté artistique, une fusion a eu lieu, et ce qui aurait pu être un flop, une caricature d’art d’état, a été une vraie expérience riche et productive qui a profité aux artistes et à la France comme culture.
Le ministère de l’environnement créera en 1991, en continuité de la Datar, l’observatoire photographique du paysage. Le choix des photographes, les méthodologies d’approche vont fortement changer, mais un intérêt pour le paysage comme production administrative d’un état est désormais reconnue comme pertinente. Ça n’est pas rien.