Samuel Morse parle du daguerrotype
Physicien et peintre américain, auteur du télégraphe électrique et du célèbre alphabet qui porte son nom, il eut le privilège de voir un daguerréotype lors d’une entrevue avec Daguerre le 7 mars 1839, avant même que l’Etat français n’achète l’invention. Il fut l’un des premiers aux Etats Unis à pratiquer le procédé. Ici un extrait de lettre envoyé à sa famille.
Il y a quelques jours de cela, j’adressai à M. Daguerre une requête afin d’obtenir la faveur d’aller voir ses résultats, en tant que confrère étranger, et l’invitant en retour à venir voir mon Télégraphe. Je fus poliment invité à venir sous ses conditions, car il s’était résolu à ne rien montrer à nouveau jusqu’à ce que les députés aient définitivement adopté la proposition d’achat et la divulgation publique du secret de son invention par le gouvernement.
Avant hier, soit le 7 mars, je rendis visite à M.Daguerre dans ses ateliers au Diorama, pour observer ses résultats admirables. Ceux-ci apparaissent sur une surface métallique de 5x7 pouces et ont l’apparence de gravure aquatinte car ils sont simplement en clair-obscur et non en couleur. Mais on ne peut imaginer à quel point la minutie des tracés est exquise. Nulle peinture ou gravure ne peut prétendre s’en rapprocher. Par exemple : en parcourant une rue du regard, on pouvait noter la présence d’une pancarte lointaine sur laquelle l’oeil arrivait simplement à distinguer l’existence de lignes ou de lettres, ces signes étant trop menus pour qu’on puisse les lire à l’oeil nu. Grâce à l’aide d’une lentille grossissant 50 fois, chaque lettre devenait clairement et parfaitement lisible, et il en était de même pour les minuscules brèches ou fissures sur les murs des bâtiments, et sur les pavés de la rue. Le résultat obtenu par l’utilisation de la lentille sur l’image est en tout point comparable à celui obtenu par le téléscope dans la nature.
Les objets en mouvement ne laissent aucune empreinte. Le boulevard, bien que constamment parcouru par un flot de piétons et d’équipages, était parfaitement désert, exception faite d’une personne qui faisait cirer ses bottes. Ses pieds se devaient bien sûr de rester immobiles pendant un certain temps, l’un posé sur la boite du cireur de chaussures et l’autre sur le sol.
Lettre publiée le 18 mai 1839 dans le New York Observer, traduite de l’anglais par Marianne Faure.