Weegee
Photographe né en 1899 (ZÅ‚oczew, actuellement situé en Ukraine) et mort à New York en 1968. Photographe de presse, il est une espèce de quintessence de la débrouillardise des primo-arrivants américains : tout est bon pour s’en tirer dans la vie.
Weegee (ou Arthur Fellig, né Usher Fellig), ne se revendique pas comme artiste, d’ailleurs, et sa pratique est celle d’un mercenaire. Il installe sa voiture pour y travailler et y vivre : labo photo, appareil préchargés, machine à écrire et salami.
En 1938, il obtient le privilège d’avoir une radio branchée sur la fréquence de la police (il utilisait déjà ce privilège auparavant, illégalement). Il est donc sur les scènes de crimes aussi vite qu’elle, parfois plus vite.
Photographe de nuit, il est un grand utilisateur du flash. Une photographie orientée sur l’efficacité, destinée à être publiée dans la presse au plus vite. Il utilise plusieurs appareils Speed Graphic 4X5 inches (10 X 13 cm), préréglés avec un ouverture à f/16, à 1/200e par seconde et une focale à 10 pouces (2,5 mètres). Il développe sa pellicule et fait des tirages contact dans son coffre, puis les vend aux journaux aux environs de 6 heures du matin. Il signe "Weegee the Famous", avec la fierté des petits qui se sont fait eux-mêmes. Le rêve américain, quoi.
Son esthétique photographique violente, au flash, brutale, contrastée, sans arrière-plan, sera admirée et conspuée. Catastrophes, incendies, règlement de compte maffieux, milieu de la prostitution et des freak de la nuit, jet-set débauchée ou pincée sont son fond de commerce.
Bien qu’il n’aie pas beaucoup d’états d’âmes, on retrouve parfois chez lui une forme de compassion pour les délaissés de l’Amérique. Il fera notamment une série d’image sur les périodes de canicules estivales dans les bas quartiers.
New York est la principale porte d’entrée de l’immigration européenne et africaine aux Etats-Unis. Un brassage culturel et social sans équivalent, auquel un homme comme Weegee, tout en regard et parfait rejeton des flux migratoires, ne peut ignorer. Une critique ironique des classes supérieures s’insinue dans ses images, avec des photos sans fard de la haute bourgeoisie, tout en bijoux et rides. Sa cruauté s’exprimera là dans particulièrement au travers l’usage du "déclenchement inopportun" : photographier sans prévenir ou à contrepied des moments "officiels". Photographié ainsi, les visages et les corps apparaissent tordus, faux, laids, ridicules dans la lumière plaquée du flash.
Il montre aussi une certaine sympathie pour les freaks : nains, transsexuels, travestis, extravertis peuplent ses images en souriant.
Enfin, Weegee fait parfois montre aussi d’une facette de voyeur, de simple voyeur. Des dizaines d’images de couples qui s’embrassent, sur des bancs, dans la rue, mais aussi au cinéma, photographiés avec de la pellicule infrarouge, nous sont parvenues.
Son esthétique a eu de grandes répercussions sur l’art. Warhol, Nan Goldin, Klein et beaucoup d’autres doivent quelque chose à son travail.
Devenu un mythe de son vivant, Weegee a contribué à construire sa propre image, en racontant multes anecdotes sur son enfance et sa carrière. Il est considéré comme un des pères du tabloïd moderne.
Il a aussi conseillé à la fin de sa vie scénariste et réalisateur de films policier, et fait entrer dans l’histoire le personnage du photographe fouineur qui débarque sur les scènes de crimes avec son flash crépitant.